1.7 - Interview : "Nous avns réinventé les chemins de croix !"
Depuis 1983, le Parc National du Mercantour développe un programme d'accueil des publics par l'aménagement de circuits d'interprétation.
Jean-Marie PETIT, responsable de la communication, nous explique ce qu'est l'interprétation, les motivations du Parc et les résultats obtenus.
LES ALLIGATORS COMMUNICATEURS :
Quels enseignements avez-vous tirés de votre visite des Parcs Nationaux lors de votre voyage au Canada ?
Jean-Marie PETIT :
L'exemple des Parcs Nationaux américains nous a foumi plusieurs indications. Dans ces Parcs, les visiteurs trouvent systématiquement un certain nombre d'équipements assez simples: visitors centers, visites commentées, systèmes de projection, bulletins d'infonnation et, bien entendu, des circuits d'interprétation. Par ailleurs,j' ai visité le Parc de Banff au Canada, situé dans les Rocheuses. La planification de l'espace réalisée à Banff montre qu'il est possible de gérer un parc en fonction de la pénétration des publics, en adaptant aux zones les plus fréquentées des outils de découverte qui pennettent l'accueil tout en assurant la protection de l'espace.
LES ALLIGATORS COMMUNICATEURS :
Comment, concrètement, dans les Parcs nord-américains l'accueil des visiteurs est-il organisé dans le sens d'une protection de la nature ?
Jean-Marie PETIT :
Dans le cas du Parc de Banff, les gens entrent dans un espace sacralisé par des portes monumentales. La première richesse visible sur les routes d'accès est le spectacle grandiose des montagnes, des glaciers, des lacs immenses et des forêts intenninables. Ces visiteurs vont trouver, le long de l'autoroute même, un certain nombre d'infonnations de sensibilisation qui excitent leur curiosité. Cela leur donne l'impression d'avoir visité le Parc même s'ils n'y ont pas pénétré. Ces sites d'interprétation font office de visite du Parc.
LES ALLIGATORS COMMUNICATEURS :
Quelles conclusions avez-vous tirées de votre visite dans le Parc National de Banff?
Jean-Marie PETIT :
Le système d'accueil pennet de gérer une fréquentation. Là où il y a déja des flux importants, on peut greffer une présence du Parc plus forte et démontrer combien même sur des circuits très fréquentés, la nature est présente et très belle. L'exemple de Banff montre bien comment on peut réaliser le zonage d'un espace et concentrer ses efforts en fonction du nombre de personnes qui vont bénéficier d'un service. La demande sociale est plus forte à certains endroits, notre réponse économique doit aussi être plus forte.
LES ALLIGATORS COMMUNICATEURS :
La réalisation d'un circuit d'interprétation, nécessite-t-elle un aménagement lourd, onéreux ?
Jean-Marie PETIT :
Le préalable est d'établir un projet à l'échelle de la fréquentation que vous pouvez obtenir ou que vous observez déjà dans un petit village où il y a une boucle de ski de fond, nous avons installé un circuit d' interprétation. L'investissement est sans commune mesure avec ce que nous avons fait pour Allos. Cet équipement est prévu pour un hiver. Il est adapté à la fréquentation que l'on a l'hiver et qui tourne autour de 3000 personnes. Le budget est de l'ordre de 25 000 Prs., c'est-à-dire 10 fois moins que celui d'un grand circuit type Lac d'Allos.
LES ALLIGATORS COMMUNICATEURS :
Vos circuits d'interprétation sont-ils des outils de communication ?
Jean-Marie PETIT :
Oui, cela concerne l'image du Parc. Dans le nord du département des Alpes Maritimes, il y a une montagne absolument magnifique, cette montagne c'est un Parc National, donc un Parc National c'est beau ! C'est l'axe de communication que nous suivons depuis 3 ans. Notre métier est de s'en occuper et de le présenter. Les gens sont impliqués dans cette richesse, c'est aussi leur affaire. Plus l'espace est banalisé, tout du moins aux yeux des gens, plus il est difficile de les faire souscrire à cette démarche. Le circuit d'interprétation est un bon moyen d'y parvenir.
LES ALLIGATORS COMMUNICATEURS :
L'interprétation donne des explications simples et claires aux publics. N'est-ce pas une tâche difficile ?
Jean-Marie PETIT :
Un des problèmes de la nature et de l'écologie, c'est que l'on parle le plus souvent de relations, donc de choses complexes. Ce qui est intéressant dans une présentation, ce sont les faits et l'enchaînement des évènements. Lorsque nous avons décidé de créer au Parc ces fameux circuits d'interprétation, nous étions persuadés que les gens du Parc et les scientifiques ne suffiraient pas. Il nous fallait un médiateur. C'est pourquoi nous avons sélectionné un concepteur publicitaire, conseil en communication.
LES ALLIGATORS COMMUNICATEURS :
Comment avez-vous conçu votre programme d'interprétation ? Par rapport au modèle Nord-Américain, avez-vous fait des adaptations pour la France ?
Jean-Marie PETIT :
Nous avions l'intuition que le public français est par nature assez différent de l'anglo-saxon, en particulier dans la région méditerranéenne où l'on estime qu'il est moins docile, moins patient pour la lecture, peu respectueux des équipements. Nous sommes partis de quelques idées contradictoires, nous disant que chez nous, il fallait que cela soit relativement simple, pas trop pédagogique plutôt ludique; d' autre part, nous avons déterminé qu'il fallait donner plus d'informations que n'en donnent les NordAméricains. Il n'y a pas de normes. Il faut surtout bien évaluer quel va être le public que l'on touche. On est sûr, puisqu'on a fait une étude préalable, que le public de la Vallée des Merveille n'est pas celui de Lourdes ni celui du Château d'If.
LES ALLIGATORS COMMUNICATEURS :
Quel est pour vous l'intérêt de la réalisation d'un cahier des charges ?
Jean-Marie PETIT :
Le principe est de décrire assez précisément le travail que l'on va faire et ceci avant de le réaliser. En général, on ne fait ce type de dossier que pour avoir les financements et par la suite, on le réalise plus ou moins précisément. Le cahier des charges est une méthode de travail.
LES ALLIGATORS COMMUNICATEURS :
Parmi vos réalisations, quelles sont les caractéristiques de vos circuits d'interprétation ?
Jean-Marie PETIT :
Notre point fort est d'avoir réussi à intéresser 95 % des gens au Lac d'Allos. Tout au long de la promenade, on a choisi, à intervalles réguliers de présenter la nature et différents sujets. L'espacement entre les périodes de communication est très importante. C'est essentiel pour que les gens intègrent ce que vous avez raconté ou que cela les fasse réfléchir et les amène à se poser d'autres questions. Les promeneurs peuvent se reposer physiquement, marcher pour se vider l'esprit et penser à autre chose, discuter entre amis et avec les enfants. Cela présente un énorme avantage sur les expositions. Avec ces circuits d'interprétation, une évidence s'est imposée : on avait réinventé les chemins de croix !